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Valeur de marchandises similaires ou identiques : quelle(s) base(s) de données à consulter pour la Douane et pour quelle(s) période(s) ?

Transport - Douane
15/06/2022
Pour la détermination de la valeur en douane via les méthodes recourant à la valeur des marchandises identiques ou similaires de l’article 30 de l’ex-CDC, la Douane d’un État membre peut se limiter à sa base de données nationale (qu’elle alimente et gère), sans devoir, lorsque ces éléments sont suffisants à cet effet, accéder aux informations détenues par les autorités douanières d’autres États membres ou par l’UE. Si tel n’est pas le cas, cette Douane peut adresser une demande à ses homologues ou à l’UE pour obtenir des données complémentaires non confidentielles motivant le recours auxdites méthodes. Par ailleurs, s’agissant de la notion de marchandises exportées « au même moment ou à peu près au même moment » de l’article précité, la Douane peut se limiter aussi aux données se rapportant à une période de 90 jours, dont 45 avant et 45 après le dédouanement des marchandises à évaluer.
Pour déterminer la valeur en douane de textile chinois, la Douane hongroise a écarté la valeur transactionnelle anormalement faible déclarée par l’importateur, mais a pris en compte la méthode de l’article 30, paragraphe 2, sous b), de l’ex-Code des douanes communautaire (CDC) qui permet de recourir à la valeur transactionnelle de marchandises similaires, vendues pour l’exportation à destination de la Communauté et exportées au même moment ou à peu près au même moment que les marchandises à évaluer. À cette fin, cette administration a utilisé notamment des éléments ressortant de sa seule banque de données (donc nationale) et se rapportant à une période de 90 jours, dont 45 avant et 45 après le dédouanement. L’importateur ayant contesté en particulier cette méthode au regard des bases de données à consulter et de la période concernée, l’affaire arrive devant la CJUE.
 
Une remarque préliminaire : parce que les méthodes des a) et b), respectivement relatifs aux marchandises identiques et similaires, du § 2 de l’article 30 de l’ex-CDC connaissent des définitions identiques dans ce code et des conditions identiques dans son règlement d’application (aux articles 142, 150 et 151 de l’ex-CDC, RA), la question posée à la CJUE et la réponse qu’elle y apporte concernent ces deux méthodes.
 
Une ou des bases à consulter pour les marchandises « identiques » ou « similaires » ?
 
La Douane d’un État membre peut-elle se limiter à utiliser les éléments figurant dans la base de données nationale qu’elle alimente et qu’elle gère (autrement dit dans sa seule base de données), ou doit-elle accéder aux informations détenues par les autorités douanières d’autres États membres ou par les institutions et les services de l’Union, au besoin en leur adressant une demande, afin d’obtenir des données complémentaires aux fins de la détermination de la valeur dans le cadre précité ?
 
Recours à la seule base de données nationale : suffisant si elle permet la motivation
 
Pour la CJUE, « eu égard à l’obligation de diligence qui s’impose » à elle dans la mise en œuvre de l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du CDC, la Douane est tenue de consulter toutes les sources d’information et les bases de données dont elle dispose afin de définir la valeur en douane de la manière la plus précise et la plus proche possible de la réalité. Et, précise la Cour, conformément à cette obligation, chaque autorité douanière est tenue de recourir à la base de données nationale qu’elle gère et alimente, dans la mesure où cette base de données lui fournit les éléments nécessaires à l’application des dispositions précitées moyennant l’adoption d’une décision motivée. En revanche, ajoute-t-elle, la Douane n’a pas à « chercher systématiquement, d’office ou sur simple demande, à accéder à des sources d’information ou à des bases de données qui ne lui sont pas nécessaires » pour l’application de ces dispositions, particulièrement lorsque son accès à ces sources d’information ou à ces bases de données n’est pas libre et immédiat ou que les données qu’elles recèlent ne sont pas susceptibles d’être incluses dans la motivation d’une décision adoptée en vertu de cette disposition.
 
Recours aux bases de données d’autres États membres ou de l’UE : au besoin à fin de motivation
 
Pour la CJUE, l’éventuelle obligation de la Douane de l’État membre dans lequel a lieu l’opération de dédouanement de recourir aux éléments ressortant des bases de données établies et gérées par les autorités douanières des autres États membres ou par les services de l’Union dépend de la possibilité pour l’autorité douanière concernée d’établir la valeur en douane conformément aux dispositions précitées au regard des éléments à sa disposition immédiate. Si sa base de données lui fournit déjà les éléments nécessaires, les informations des bases d’autres autorités douanières ou de l’Union « ne présentent pas d’utilité particulière » et imposer le recours systématique à ces bases alourdirait les contrôles.
 
En revanche, l’obligation de motivation qui pèse sur la Douane l’oblige à faire apparaître d’une façon claire et non équivoque les raisons qui ont conduit celles-ci à écarter une ou plusieurs méthodes de détermination de la valeur en douane, et à exposer dans sa décision fixant le montant des droits à l’importation dus les données sur la base desquelles la valeur en douane des marchandises a été calculée, en l’occurrence sur le fondement de l’article 30, paragraphe 2, du CDC, tant pour permettre au destinataire de celle-ci de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile d’introduire un recours contre celle-ci que pour permettre aux juridictions d’exercer le contrôle de la légalité de ladite décision. Aussi, en application de cette obligation, la Douane d’un État membre peut adresser, en fonction des circonstances de chaque espèce et compte tenu de son devoir de diligence, aux autorités douanières d’autres États membres ou aux institutions et aux services de l’Union des demandes appropriées visant à obtenir les éléments complémentaires dont elle a besoin pour déterminer la valeur en douane, s’ils sont susceptibles d’être portés à la connaissance de l’opérateur concerné (donc s’ils ne sont pas confidentiels).

Notion d’exportation « au même moment ou à peu près au même moment » de l’article 30
 
La notion de marchandises similaires ou identiques exportées « au même moment ou à peu près au même moment » que les marchandises à évaluer, employée à l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), de l’ex-CDC, permet-elle à la Douane de se limiter à utiliser des données relatives à des valeurs transactionnelles se rapportant à une période de 90 jours, dont 45 avant et 45 après le dédouanement des marchandises à évaluer ?
 
Esprit du texte : garantie contre un risque
 
Pour la CJUE, point 70 « l’exigence tenant à la prise en compte de la valeur transactionnelle de marchandises exportées "au même moment ou à peu près au même moment" que les marchandises à évaluer vise à garantir que sont retenues des opérations ayant eu lieu à une date suffisamment proche de la date d’exportation, de manière à éviter le risque d’une modification substantielle des pratiques commerciales et des conditions du marché qui affectent les prix des marchandises à évaluer. »
 
En pratique : 90 jours de principe... ou plus au besoin
 
Selon la Cour, la Douane peut « en principe » ne tenir compte que de valeurs transactionnelles de marchandises identiques ou similaires vendues à l’exportation à destination de l’Union pendant une période fixée par celle-ci à 90 jours, dont 45 avant et 45 après le dédouanement des marchandises à évaluer : cette période paraît suffisamment proche de la date d’exportation pour éviter le risque précité. Aussi, si cette administration estime que cette période lui permet de déterminer la valeur en douane via l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du CDC, elle n’aurait pas à élargir cette période « en principe » (des exceptions pourraient donc exister).
 
Pragmatique, la Cour ajoute qu’à défaut d’exportations de marchandises identiques ou similaires effectuées au cours des 90 jours, la Douane doit examiner si de telles exportations ont été effectuées « au cours d’une période plus longue, mais pas trop éloignée de la date d’exportation des marchandises à évaluer, pourvu que, pendant cette période plus longue, les pratiques commerciales et les conditions du marché qui affectent les prix des marchandises à évaluer soient restées substantiellement les mêmes » (donc si le risque précité est écarté).

Et avec le Code des douanes de l’Union ?
 
La solution serait selon nous identique sous l’empire du CDU : en effet, l’article 30, § 1, a) et b, de l’ex-CDC trouve une correspondance à l’article 74, § 2, du CDU.
 
La décision ici exposée est intégrée à la publication en référence ci-dessous dans sa version en ligne sur Lamyline dans les 48 heures au plus à compter de la publication de la présente actualité.
 
 
Source : Actualités du droit