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Valeur en douane : précisions sur les « personnes liées »

Transport - Douane
10/06/2022
Un arrêt de la CJUE du 9 juin 2022 apporte des précisions sur la preuve de la qualité d’associé ou d’un contrôle de droit ou de fait entre vendeur et acheteur-importateur, s’agissant de la notion de « personnes liées » qui permet d’écarter la valeur transactionnelle pour la détermination de la valeur en douane.
Pour mémoire, afin de déterminer la valeur en douane d’une marchandise importée, l’article 29 de l’ex-Code des douanes communautaire (CDC) pose en principe le recours à la valeur transactionnelle, pour autant notamment que l’acheteur et le vendeur ne soient pas liés ou, s’ils le sont, que la valeur transactionnelle soit acceptable à des fins douanières. L’article 143 de l’ex-règlement d’application du Code précité (CDC, RA) précise sur ce point que « des personnes ne sont réputées être liées que » : « si elles ont juridiquement la qualité d’associés » (b) ; « si l’une d’elles contrôle l’autre directement ou indirectement » (e) ; « si toutes deux sont directement ou indirectement contrôlées par une tierce personne » (f).
 
Dans l’affaire ici rapportée, à propos d’importation entre 2009 et 2012, la Douane lituanienne a refusé de prendre compte la valeur transactionnelle déclarée par un opérateur : selon cette administration, la nature des relations commerciales que l’importateur entretient avec son vendeur implique qu’ils doivent être considérés comme des « personnes liées » au sens de l’article 29 précité. L’opérateur conteste et l’affaire arrive devant la CJUE. Saisie d’une question préjudicielle s’agissant de l’existence d’un contrôle de fait du vendeur sur l’importateur, elle donne des précisions sur la preuve à rapporter s’agissant tant de la qualité d’associé que du contrôle de droit ou de fait.
 
Preuve de la qualité d’associé : un document démontrant le respect du droit national
 
S’agissant du lien entre personnes en raison de leur qualité d’associés, la CJUE souligne que le libellé même de l’article 143 exclut toute association de fait. Aussi, approuvant les conclusions de l’avocat général, elle retient que cet article, visant les personnes ayant « juridiquement la qualité d’associés » requiert, aux fins de la constatation de l’existence d’un lien, de démontrer que les conditions prévues par les dispositions nationales relatives à la qualité d’associés sont satisfaites, excluant ainsi toute association qui ne serait pas de droit (point 35). Enfin, selon la CJUE, l’acheteur et le vendeur ne peuvent pas être considérés comme ayant juridiquement la qualité d’associés dans une situation dans laquelle il n’existe aucun document permettant d’établir un tel lien.
 
Preuve d’un contrôle de droit ou de fait
 
S’agissant des personnes réputées être liées, selon l’article 143, paragraphe 1, sous e) et f), du CDC, RA, lorsque l’une d’elles contrôle l’autre directement ou indirectement ou lorsque toutes deux sont directement ou indirectement contrôlées par une tierce personne, il importe, comme le confirme la note interprétative en matière de valeur en douane relative à cet article 143, paragraphe 1, sous e), figurant à l’annexe 23 de l’ex-CDC, RA, de distinguer, d’une part, le contrôle de droit et, d’autre part, le contrôle de fait (point 37).
 
Contrôle de droit : preuve par un document
 
S’agissant de l’existence d’un contrôle de droit, il ressort des faits de l’espèce qu’aucun document ne permet de considérer qu’il existe un rapport de contrôle juridique, direct ou indirect, tel que visé audit article 143, paragraphe 1, sous e) et f). Aussi, un contrôle de droit paraît devoir être exclu dans cette affaire, ce qu’il revient à la juridiction nationale de vérifier (point 38), selon la CJUE qui pose en principe que l’acheteur et le vendeur ne peuvent pas être considérés comme étant liés en raison d’un rapport de contrôle de droit, direct ou indirect, dans une situation dans laquelle il n’existe aucun document permettant d’établir un tel lien.
 
Contrôle de fait : preuve par des éléments objectifs d’un pouvoir de contrainte ou d’orientation
 
S’agissant de l’existence d’un contrôle de fait, il découle de la note interprétative de l’annexe 23 précitée qu’une personne est réputée en contrôler une autre lorsqu’elle est en mesure d’exercer sur celle-ci un pouvoir de contrainte ou d’orientation. Or, en l’espèce, un lien de confiance étroit entre le vendeur et l’importateur est avéré, mais ne parait pas permettre de conclure à l’existence d’un tel pouvoir de contrainte ou d’orientation, ce qu’il revient là encore à la juridiction de renvoi de confirmer (points 39 et 40), selon la CJUE qui pose en principe que « l’acheteur et le vendeur peuvent être considérés comme étant liés en raison d’un rapport de contrôle de fait, direct ou indirect, dans une situation dans laquelle les conditions de conclusion des opérations en cause, attestées par des éléments objectifs, sont susceptibles d’être regardées comme indiquant non pas uniquement qu’un lien de confiance étroit existe entre cet acheteur et ce vendeur, mais que l’un d’entre eux est en mesure d’exercer un pouvoir de contrainte ou d’orientation sur l’autre ou qu’une tierce personne est en mesure d’exercer un tel pouvoir sur eux ».
 
Rappel sur l’interprétation d’une exception à un principe
La CJUE indique aussi que, s’agissant d’une exception au principe selon lequel la priorité doit être donnée à la valeur transactionnelle pour déterminer leur valeur en douane, les dispositions de l’article 143 précité qui permettent de s’en écarter doivent donc, en tant que dérogations à ce principe, faire l’objet d’une interprétation stricte, au sens de restrictive (point 31).
 
Et avec le Code des douanes de l’Union ?
 
La solution serait selon nous identique sous l’empire du Code des douanes de l’Union : l’article 143 de l’ex-CDC, RA précité trouve une correspondance à l'article 127 de l’acte d’exécution du CDU qui répute que deux personnes sont liées si l'une des conditions suivantes est remplie :
— elles ont juridiquement la qualité d'associés (b) ;
— l'une d'elles contrôle l'autre directement ou indirectement (e) ;
— toutes deux sont directement ou indirectement contrôlées par une tierce personne (f).

Cet article dispose même, comme la CJUE le retient ci-dessus, pour les points e) et f) de cet article 127 du CDU, AE, qu’une personne est réputée contrôler l'autre si la première est, en droit ou en fait, en mesure d'exercer sur la seconde un pouvoir d'orientation (§ 3). Il en irait de même a fortiori d’un pouvoir de contrainte.
 
La décision ici exposée est intégrée à la publication en référence ci-dessous dans sa version en ligne sur Lamyline au plus vite.
 
 
 
Source : Actualités du droit