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Distance d'épandage des pesticides : pas d'urgence à suspendre l'arrêté

Public - Environnement
Environnement & qualité - Environnement
19/02/2020
Par une ordonnance rendue le 14 février 2020, le Conseil d'État a rejeté la demande d'un collectif de maires tendant à l’annulation d’un décret et d’un arrêté du 27 décembre 2019 fixant de nouvelles règles encadrant l’épandage des pesticides. Pour la Haute juridiction, la nécessité de suspendre ces textes en urgence n’était pas établie.
Le décret (D. n° 2019-1500, 27 déc. 2019, JO 29 déc. ; lire Produits phytopharmaceutiques : conditions d’utilisation à proximité des habitations, Actualités du droit, 2 janv. 2020) et l’arrêté interministériel (Arr. 27 déc. 2019, NOR : AGRG1937165A, JO 29 déc. ; lire Produits phytopharmaceutiques : les mesures de protection des personnes sont étendues, Actualités du droit, 2 janv. 2020) attaqués avaient été pris par les ministres chargés de l’environnement, de la santé, de l’économie et de l’agriculture afin de tenir compte d’une décision du Conseil d’État relative à l’épandage des pesticides en date du 26 juin dernier (CE, 26 juin 2019, nos 415426 et 415431 ; lire Pesticides : le Conseil d'Etat annule l'arrêté du 4 mai 2017, Actualités du droit, 3 juill. 2019). Dans cette décision, le Conseil avait estimé que le cadre juridique en vigueur (issu de l'arrêté du 4 mai 2017, NOR : AGRG1632554A, JO 7 mai) ne protégeait pas suffisamment la santé publique et l’environnement, notamment car il ne prévoyait pas de mesure générale pour les riverains des zones agricoles traitées.

Tirant les conséquences de cette décision, le nouvel arrêté du 27 décembre 2019 fixait donc de nouvelles distances minimales de sécurité :
– 20 mètres pour les produits les plus dangereux ;
– et pour les autres produits : 10 mètres pour les cultures hautes (arboriculture, vignes…) et 5 mètres pour les autres cultures.

Le collectif de maires avait demandé au Conseil d’État d’annuler le décret et l'arrêté et, dans l’attente d’une décision définitive, demandaient au juge des référés d’ordonner en urgence la suspension de l’exécution de ces deux actes.

Des risques non démontrés

S’agissant de l’arrêté, si le juge des référés reconnaît que « le risque pour la santé qui est inhérent à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques (…) n’est pas contesté », il estime cependant que les requérants se bornent « à critiquer de manière très générale les distances de 5, 10 et 20 mètres et les dérogations qui peuvent y être apportées », sans éléments concrets étayant les risques invoqués.
 
S’ajoute à cela le fait que les distances retenues « sont les distances minimales préconisées par l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail du 4 juin 2019 au vu duquel a été pris l’arrêté », et que la distance de 20 mètres pour les produits les plus dangereux « est le double de la distance minimale préconisée pour ces produits par le même avis ».
 
Au surplus, le Conseil d’État retient que « plusieurs études et travaux d’évaluation sont en cours sur ce sujet en France comme à l’étranger » et que « les autres États membres de l’Union européenne n’imposent pas à ce jour de distances de sécurité d’application générale supérieures à celles prévues par l’arrêté contesté ».
 
Un décret sans incidence notable
 
S’agissant du décret, le Conseil rappelle que ce texte ne fait que déterminer « le contenu et les modalités d’élaboration de chartes d’engagements des utilisateurs » de pesticides prévues par la loi « Egalim » (L. n° 2018-938, 30 oct. 2018, JO 1er nov. ; lire Loi EGALIM : des prix plus justes, une alimentation plus saine et une meilleure protection du bien-être animal, Actualités du droit, 5 nov. 2018).
 
Puisque ces chartes n’auront d’incidence sur les intérêts invoqués « que lorsqu’elles seront adoptées », le Conseil d’État juge que le décret contesté ne saurait porter atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à ces intérêts pour caractériser une urgence justifiant la suspension de son exécution.
 
L'affaire est donc à suivre : la Haute juridiction se prononcera sur le fond dans les prochains mois.
 
Pour aller plus loin
À lire également : Pesticides : le Conseil d'Etat annule l'arrêté du 4 mai 2017, Actualités du droit, 3 juill. 2019.
Source : Actualités du droit