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Non-recouvrement a posteriori des droits de douane : quelle erreur de la Douane ?

Transport - Douane
16/09/2020
Le non-recouvrement des droits de douane (de l’ex-article 220, 2, b) du CDC), devenu l’erreur des autorités compétentes (de l’article 119 du CDU), est précisé dans une décision du 10 septembre 2020 de la cour d’appel de Paris, s’agissant notamment d’une erreur issue d’un comportement passif de la Douane, mais induite par l’opérateur, ou de l’existence d’un contrôle douanier qui aurait dû permettre de déceler l’erreur.
Pour mémoire, l’ex-article 220, 2, b) du Code des douanes communautaire (CDC) permettait à un opérateur de bénéficier du non-recouvrement des droits de douane a posteriori lorsque les conditions cumulatives qu’il fixait étaient remplies, c’est-à-dire lorsque « le montant des droits légalement dus n'avait pas été pris en compte par suite d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane ». Un opérateur ayant tenté de se prévaloir de ces dispositions, le juge en a fixé à nouveau les contours et permis une nouvelle illustration.
 
Pour sa marchandise qu’il dénomme TVIX 3000, un opérateur s’est vu délivré un RTC le 15 mai 2006 (avec la position 8522 impliquant des droits au taux de 4 %), ce renseignement revenait sur un RTC de 2005 (avec la position 8521 qui impliquait un taux de 13 %). Le 11 mai 2009, la Douane a invalidé le RTC de 2006. En 2010, un contrôle portant sur ses importations de juin 2006 à avril 2009 fait apparaître que celles-ci ont concerné, selon la Douane, non pas le TVIX 3000 mais des produits de la gamme (TVIX 3100, 4000, 4100, 5000, etc.) qui présentent des caractéristiques différentes et relèvent d’un autre classement que le 8522 (autre classement qui implique un taux supérieur à 4 %). Or, tous ces produits ayant été déclarés par l’opérateur comme bénéficiant du RTC de 2006 et donc du taux de 4 %, la Douane redresse l’importateur. Ce dernier invoque une erreur de l’Administration au sens de l’ex-article 220, 2, b) du Code des douanes communautaire.
 
Procédure judiciaire antérieure
 
La décision ici rapportée constitue le dénouement d’une procédure remontant en appel à 2016. D’abord, la cour d’appel de Paris a qualifié d'erreur non décelable l'erreur de classement de la Douane attestée tant par le fait qu'elle a délivré des RTC à l'opérateur avec une classification différente de celle retenue postérieurement par un règlement de classement, que par le fait que cette erreur a été commise au moment des importations et CC attention seulement OK pour les contrôles lors des contrôles douaniers (CA Paris, 22 nov. 2016, no 15/17183, Administration des Douanes et Droits Indirects c/ Newcom Distribution). Puis, la Cour de cassation censure cette décision pour des motifs liés au RTC : pour la Haute cour, la cour d'appel n'a pas recherché si les RTC, qui ne lient la Douane qu'à l'égard de leurs titulaires et qu'en ce qui concerne les marchandises sur lesquelles ils portent, n'avaient pas été délivrés à des opérateurs autres que l'opérateur revendiquant le bénéfice de l'erreur, et si le RTC délivré à celui-ci ne concernait pas des modèles d'appareils différents de ceux en cause (Cass. com., 9 janv. 2019, n° 17-10.479). L’affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Paris autrement composée dont la décision est rapportée ci-après.
 
Comportement passif de l’autorité et erreur induite
 
Ainsi que le rappelle la cour d’appel, en principe, seules les erreurs imputables à un « comportement actif » des autorités compétentes ouvrent droit au non-recouvrement a posteriori des droits de douane, selon une jurisprudence constante de la CJUE depuis les années 1990.
 
Mais, ajoute la cour d’appel, « si certains comportements "passifs" peuvent aussi être réputés constituer des erreurs » au sens de l'ex-article 220, § 2, b) du CDC, « notamment lorsque les autorités douanières n'ont soulevé aucune objection en ce qui concerne le classement tarifaire des marchandises pour un grand nombre d'importations et pendant une longue période, encore faut-il qu'une comparaison entre la position tarifaire déclarée et la désignation explicite des marchandises selon les spécifications de la nomenclature ait pu permettre de découvrir le classement tarifaire erroné, comme l'a également précisé la CJUE (...) ». En effet, la condition d’une erreur imputable à la Douane n’est pas remplie lorsque les autorités compétentes sont induites en erreur par les indications portées sur la déclaration. Or, c’est le cas en l’espèce pour la cour d’appel : l’opérateur ne peut utilement se prévaloir du fait que la Douane n'a remis en cause ni l'espèce tarifaire déclarée, dans neuf déclarations, ni l'utilisation du RTC de 2006, dans douze déclarations le mentionnant dans la déclaration ou la facture, puisque – selon ce juge – ces déclarations ne désignent pas suffisamment les marchandises et sont sans référence apparente, ni dans les unes ni dans les autres, aux modèles TVIX litigieux (3100, 4000, 4100, 5000, 5100, C2000, 6500, 7000 et R3300). En cela, l’erreur des autorités compétentes n’est pas constituée lorsque « les autorités compétentes sont induites en erreur par des déclarations inexactes, étant rappelé qu'elles n'ont pas à en vérifier ou apprécier la validité » selon la jurisprudence européenne constante. De plus, ajoute la cour d’appel, il était « inexact et trompeur » de prétendre, comme l'a fait l’opérateur, que les produits en cause relevaient du RTC de 2006. Aussi, la désignation inexacte des marchandises figurant notamment dans une déclaration ne permettait pas à la Douane « de découvrir, par simple comparaison, l'inadéquation du classement tarifaire appliqué par référence au RTC [de] 2006, et il n'est justifié d'aucune déclaration d'importation révélant le caractère erroné de la classification par le seul rapprochement des rubriques de position tarifaire et désignation des marchandises ».
 
Remarque
L’opérateur mettait aussi en avant également des RTC délivrés à d’autres opérateurs pour la même marchandise pour faire constater par le juge que la Douane s'était trompée dans le classement de ces marchandises. Mais, pour la cour d’appel, « cette circonstance n'en demeure pas moins inopérante à son égard, dès lors que, seraient-elles établies, ces erreurs à l'égard de tiers ne pourraient être invoquées » par cet opérateur. On peut comprendre que l’opérateur ne puisse se prévaloir d’un RTC délivré à un autre opérateur (conformément aux textes de l’ex-CDC et du CDU), mais pourquoi lui interdire de se prévaloir d’une erreur avérée de la Douane dans la délivrance d’un RTC puisqu’il ne s’agirait en effet pas de se prévaloir d’un RTC ?
 
Contrôle douanier qui aurait permis de déceler une erreur
 
L’opérateur avance encore que la Douane ayant procédé à des contrôles, elle aurait dû se rendre compte que la marchandise décrite dans la déclaration ne correspondait pas à celle importée, ni à celle du RTC, et qu’en continuant après ces contrôles à accepter les déclarations erronées, elle a commis une erreur ouvrant droit au bénéfice du non recouvrement a posteriori.
 
Concernant ces contrôles douaniers, la cour d’appel distingue ceux dont l’opérateur a fait l'objet de ceux qui ont été appliqués à des tiers.
 
S’agissant des résultats des contrôles dont ont pu faire l'objet des sociétés tierces pour la même marchandise, l’opérateur ne peut s’en prévaloir pour caractériser une erreur de l'administration à son égard.
 
S’agissant du contrôle dont a fait l’objet l’opérateur, il a été réalisé à l'occasion d’une déclaration en janvier 2009 et a donné lieu à l'établissement ce même mois d'un rapport d'essai portant sur le modèle TVIX M-6500A déclaré à la position tarifaire 8522, position que la Douane n'a alors pas remise en cause. Or, pour le juge, ce rapport d’essai réalisé sur ce modèle M-6500A aurait dû conduire l'Administration à constater que la classification appliquée était incorrecte : aussi, la position adoptée par la Douane en janvier 2009 « caractérise en conséquence une erreur, qui ne pouvait pas être raisonnablement décelée » par l’opérateur compte tenu de la validation opérée par l’Administration à l'issue d'un test en laboratoire. La cour d’appel fait démarrer cette erreur de la Douane à compter de la transmission du rapport d’essai à l’opérateur le 5 janvier 2009 : l’erreur est donc reconnue pour les opérations réalisées postérieurement à cette date et jusqu’en avril 2009 (mois de fin des opérations contrôlées). Le principe d’une erreur dans ce type de situation est donc confirmé et justifie le bénéfice de l’ex-article 220, 2, b),... mais pas en l’espèce faute de bonne foi de l’opérateur (voir ci-après).
 
Bonne foi
 
Parmi les conditions cumulatives pour bénéficier de l’article 220, 2, b), figure la bonne foi de l’opérateur (voir ci-dessus). Or, pour le juge, celle-ci n’est pas remplie puisque l’opérateur, professionnel de l’importation, a mentionné sur ses déclarations d'importation pour toutes les marchandises de la gamme qu’elles étaient couvertes par le RTC de 2006, qui n'avait pas été sollicité pour une gamme de produits mais pour l'unique référence TVIX 3000 alors commercialisée, et en les décrivant comme bénéficiant de ce RTC dont la case 7 décrivait un appareil présentant des caractéristiques différentes de celles de tous ces produits. Au final, pas de bonne foi, pas de bénéfice de l’ex-article 220.
 
Et avec le CDU ?
 
La solution serait la même avec le Code des douanes de l’Union, la rédaction de l’article 119 de ce Code reprenant quasiment à l’identique celle du b) du 2 de l’ex-article 220 du CDC précité.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy guide des procédures douanières,465-2 et s., et dans Le Lamy transport, tome 2, n° 1408 et s. La décision ici présentée est intégrée aux nombreux numéros concernés dans la version en ligne des ouvrages sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit